L'arrogance nuit à la performance, en provoquant le désengagement du personnel et l'aveuglement, ce qui peut conduire à perte de productivité, des décisions biaisées et des prises de risques exagérées.
Arrogance versus autorité juste
L'arrogance peut se définir comme une stratégie relationnelle, consciente ou non, qui consiste à se positionner dans sa tête et dans ses attitudes vis-à-vis d'une autre personne comme son supérieur en valeur, avec comme conséquence un agréable sentiment de valorisation de soi. L'intention est d'amener l'autre à se sentir inférieur, conduisant au désagréable sentiment d'être méprisé. L'attitude d'arrogance est à différencier de la position haute telle que l'a définie Grégory Bateson. En effet, la position haute repose sur l'affirmation d'une autorité juste, tandis que l'arrogance repose sur un jugement conduisant à la valorisation de soi et à la dévalorisation de l'autre.
Exemple de comportement arrogant
Un manager qui définit les objectifs à atteindre avec son équipe est dans son rôle ; il exerce une autorité juste. Un manager qui définit les mêmes objectifs en rappelant qu'il a fait bien mieux dans le passé, mais qu'il consent à donner à ses collaborateurs de si faibles objectifs parce qu'ils ne sont pas capables de faire mieux, est arrogant.
Désengagement et souffrance au travail
Dans ce cas, l'impact négatif de l'arrogance est évident : les collaborateurs se sentent dévalorisés et n'ont pas nécessairement envie de se surpasser dans un tel contexte de travail. Un mal-être au travail en découle, comme le montre les études de la DARES sur l’exposition des salariés aux Risques Psychosociaux.
Le risque de s'entourer de courtisans
Un autre risque est que ce manager puisse séduire certains collaborateurs, heureux d'avoir un chef si puissant. Ils peuvent être prêts à aller dans son sens par pure fascination, par stratégie ou par simple réflexe conditionnel devant une figure d'autorité, sans trop évaluer les situations et la rationalité des choix qu'il fait. Nous voyons là le risque que court un dirigeant arrogant de s'entourer d'une équipe de direction courtisane, ce qui nuit à la prise de décision éclairée.
Objection à l'argument selon lequel l'arrogance est utile
Certains pourraient objecter que l'arrogance est utile parce qu'elle donne de la confiance et de l'audace. Cela est vrai dans l'action rapide, dans laquelle il n'y a pas de place pour la réflexion. On peut penser qu'une équipe commerciale passant devant un jury dans un appel d'offre a intérêt, pendant le passage, à se sentir confiante et sûre que son offre est meilleure que celle de ses concurrents. Cette même pensée est dangereuse dans la préparation de la réunion, quand la raison doit l'emporter avec une juste et dépassionnée analyse des risques et des opportunités.
Culture de l'humilité ?
Faut-il pour autant développer dans l'entreprise une culture de l'humilité ? Si l'humilité consiste à avoir conscience de ses insuffisances et de ses faiblesses, et qu'elle conduit à des programmes de développement personnel ou collectif, probablement ! Si elle consiste à rabaisser ses propres mérites, certainement pas ! Car cela peut induire des comportements risquophobes et à ne pas valoriser le capital humain de l’entreprise.
L'arrogance et l'humilité excessive sont deux biais comportementaux qui s'opposent à une prise de décision raisonnée et optimale. Le dirigeant a selon nous intérêt à développer une culture de la raison, libre de ses biais, notamment celui de l'arrogance.
Comment détecter l'arrogance ?
Il peut être assez facile de reconnaître une attitude arrogante chez une autre personne, quand on se sent rabaissé et dévalorisé à son contact. Il est moins facile de reconnaître sa propre arrogance. Une surveillance de ses émotions et de ses comportements peut aider à la détecter, mais cela comprend le risque de se centrer sur sa personne. Nous recommandons d'être plutôt à l'écoute des autres, de leurs objections et de leurs émotions. Produire un certain mal être chez les autres dans nos interactions avec eux est un signal à observer et à traduire en actions immédiates d’amélioration de la relation.
En conclusion, les dirigeants ont intérêt à cultiver une culture de la juste appréciation des forces et des faiblesses individuelles et collectives.
Ils doivent ainsi détecter la manifestation de comportements arrogants, en commençant par leurs propres comportements et les traiter.
Des évaluations de type 360° peuvent aider à détecter l’arrogance, ainsi que l'exploitation des enquêtes de risques psychosociaux, ou encore des observations terrain et des retours de parties prenantes externes comme des consultants, des formateurs ou des coachs. Une fois les comportements arrogants conscientisés, un travail sur soi et sur le collectif doit être engagés.
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