Quand il est question d'opérer un changement ou une transformation dans une entreprise, les experts connaissent bien les freins et écueils à éviter comme : l’absence d'une vision claire et partagée du changement, le manque de soutien de la direction générale, la résistance au changement des collaborateurs et la faible motivation associée, le manque de communication et de concertation, d'accompagnement, de budget, la complexité du projet, la méconnaissance des besoins des collaborateurs et la rareté de compétences ad-hoc.
Ils connaissent également un ensemble de théories, d’outils, de principes pour lever ces freins comme la nécessité d’un diagnostic pour prendre en compte les enjeux et les spécificités de l’entreprise dans le programme d’action, d’une vision claire et partagée du changement, cohérente avec la stratégie et la culture de l'entreprise, d’une communication soutenue, d’un plan de formation et d’accompagnement.
Toutes ces approches sont utiles et nécessaires : elles répondent à la complexité de la conduite d’une transformation. Bien entendu elles doivent être adaptées à la complexité du projet et à la spécificité de l’entreprise.
Il existe toutefois un sujet récurrent et loin d’être suffisamment traité selon nos expériences, qui porte sur la véritable disponibilité des personnes pour mener un changement et encore plus une transformation. Selon le baromètre Industrie 4.0 - 2020 de Wavestone, plus de 35% des dirigeants affirment qu’un manque d’organisation et de disponibilité des ressources de pilotage est un écueil à la conduite des programmes 4.0.
Ce problème d'ailleurs est bien connu dans les grandes entreprises, où nous voyons fréquemment une personne ou une task force dédiée à un changement ou une transformation donnée. D’autres mettent même en place un mode de fonctionnement agile avec des points quotidiens et une équipe travaillant à plein temps sur le projet.
En ce qui concerne les plus petites entreprises, de la PME à l’ETI, la situation est plus difficile. En effet, les ressources y sont limitées et le plus souvent complètement occupées et optimisées. Il y a de ce fait assez peu de marge pour mener des activités nouvelles ou non prévues. Dans nos expériences dans des projets de changements et des transformations dans des ETI, nous rencontrons souvent ce genre d’écueil, alors même que nous avons déployé les bonnes pratiques de conduite du changement citées plus haut. Les propos entendus dans ces situations sont du genre « le projet est génial, mais je n’ai pas le temps d’y faire ce qu’il faudrait ».
Que faire dans une telle situation ? La décision d’affecter du temps au changement relève de la personne et également des acteurs en interaction avec cette personne, notamment sa hiérarchie. Pour l’individu, la question peut concrètement se poser ainsi « Est-ce qu’aujourd’hui je vais répondre à un client, ce qui constitue ma mission sur laquelle je suis jugé, ou est-ce que je vais travailler sur le projet CHANGEMENT dont on attend un retour sur investissement dans 6 ou 12 mois ?
Une réponse technique pourrait être d'attribuer des budgets temps aux acteurs impliqués dans le projet de changement, N jour homme sur projet, ou des routines, comme « on travaille sur le projet CHANGEMENT le vendredi après-midi. ».
Si la règle est respectée, le projet avance selon sa programmation, mais nous observons malheureusement bien des situations dans lesquelles l’urgence l’emporte sur les projets de changements, même quand un budget temps lui a été alloué.
Une première étape consiste, selon nous, à évaluer de la manière la plus réaliste possible le temps à passer sur le projet et la réelle capacité que l’organisation peut y attribuer, en prenant en compte le fait qu’en général, il est peu probable qu’une ressource puisse attribuer au projet plus que quelques % d’un ETP en plus de son activité standard.
Augmenter des ressources internes de l’entreprise n’est pas non plus recommandé pour mener un projet de changement, sauf des ressources temporaires pour mener des activités très standardisées ou réellement non reproductibles. Une spécificité d’un projet de changement est en effet que l’engagement des ressources humaines de l’entreprise dans le projet de changement en est un facteur de succès.
Il en ressort que finalement, pour une entreprise, s'engager dans un changement ou dans une transformation, impose, entre autres pratiques expertes, de renoncer à d'autres projets. Une analyse de portefeuille de projets mérite d’être faite, la décision doit être prise par les instances de gouvernance de l’entreprise et elle doit être communiquée à l’ensemble du personnel pour ne laisser aucune ambiguïté sur les priorités choisies.
Crédit image: IA faite chez freepik
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